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MIEUX VAUT EN RIRE |
Les premières images des décors de la
nouvelle production du Ring sous la houlette de M. Franck Castorf,
à Bayreuth, en cette année du Bicentenaire de la naissance de Richard
Wagner.
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Bayreuth 2012 - le carnaval !
Voici que quelques jours avant le début du
Festival de Bayreuth 2012 et la présentation de la nouvelle production du
Fliegende Holländer, le tonnerre retentit : le chanteur principal
de la production, le Russe Evgueni Nikitin, s'est vu contraint de déclarer
forfait, à la suite de la diffusion par les médias d'une vidéo dans
laquelle il apparaît comme chanteur de Heavy Metal - ça, ce serait plutôt
une bonne chose, pour lui, dans le Bayreuth d'aujourd'hui ! -, mais qui
plus est arborant des tatouages dont l'un serait "nazi"... Était-il donc
prévu qu'Evgueni Nikitin apparût dans le plus simple appareil sur scène? |
Ce
n'est pas nous qui le disons,
Im Opernglas 7/8 gibt Hans Sotin ein
Interview amläßlich seines Bühnenabschiedes. |
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Hans Sotin |
Mise en bière...
Bon. Allez ! Un mauvais jeu de mots pour un nouvel épisode lamentable, à Bayreuth... Cette fois, ça se passe non pas dans le Théâtre, mais aux abords de la villa Wahnfried dans le jardin de laquelle, comme chacun sait, se trouve la tombe de Richard et Cosima Wagner. Dans l'optique du bicentenaire de la naissance du Maître, on a décidé de "rénover" les lieux. Pourquoi pas ? Depuis 1976 - date à laquelle la villa est devenue un musée -, il y avait sans doute nécessité d'effectuer quelques travaux. Sauf que l'on ne s'est pas arrêté là. Il a été décidé de construire sur le côté de la villa un long bâtiment tout en verre qui, outre qu'il détruira l'harmonie originelle des lieux, comportera un café, dit "Cafe am Grab", autrement dit: "Café de la tombe" !!! En effet, celui-ci se situera pour ainsi dire à un jet de pierre de la tombe de Richard et Cosima. Merveilleux, non? Ainsi, même dans sa tombe, le Maître ne sera plus en paix désormais... |
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Richard Wagner a construit son Festspielhaus avant même d'être né, figurez-vous !
1er juillet 2012 : Plusieurs médias, parmi lesquels L'express, Le Parisien, La Croix, France 24, ont relayé une information diffusée par l'AFP, selon laquelle le Théâtre de Bayreuth avait été classé au patrimoine de l'humanité par l'UNESCO. Sans chercher plus loin, le "Théâtre de Bayreuth" en question fut immédiatement identifié au Théâtre de Richard Wagner. Pourquoi s'inquiéter du fait qu'il était par ailleurs indiqué que le dit Théâtre avait été bâti entre.... 1746 et 1750 ! Autrement dit, plus d'une soixantaine d'années avant la naissance de Richard Wagner !! Cherchez l'erreur!!! |
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Bayreuth, Markgraefliches
Opernhaus - Théâtre de la Margravine Wilhelmine, |
Le Ring de 2013,
à Bayreuth?
Franck Castorf, c'est officiel, sera chargé de la nouvelle mise en scène du Ring, à Bayreuth, en 2013. Du sieur Castorf, sinistre (vieux) provocateur communisant qui vit du recyclage de ses vieilles, trop vieilles obsessions, il ne faut rien attendre, sinon du saccage en règle. Il suffit, pour se faire une idée de ce qui attendra les spectateurs de ce Ring, d'aller jeter un coup d'œil à La Dame aux Camélias à l'affiche du Théâtre de l'Odéon, à Paris en ce mois de janvier 2012. Comme le note un lecteur, en réaction à la critique très complaisante parue dans Le Monde : « Pourquoi ne pas appeler ce spectacle "Castorf 26" après "Castorf 25" et avant (hélas!) "Castorf 27" etc... Bras et jambes écartés, le metteur en scène ne montre que lui, caricature de vieux théâtre provoc infantile. Une fois de plus, du gâchis, du vacarme, du barbouillage ennuyeux et vain. » Quant à Philippe Tesson, dans Le Figaro, il note : «Castorf nous impose, en toute impunité et en contradiction avec sa mission, des choix artistiques incohérents, hoquets d'une idéologie exténuée et d'une esthétique d'un autre âge. Cette Dame aux Camélias est emblématique de cette inanité prétentieuse. C'est un spectacle navrant. Il dure quatre heures. La meilleure réponse à lui apporter est de quitter la salle dès qu'on a mesuré l'imposture...» Sachant que l'été dernier (2011), un bon nombre de spectateurs ont refusé d'assister plus longtemps au répugnant Tannhäuser de S. Baumgarten, à Bayreuth, et ont quitté la salle après le 1er acte, la question est de savoir, naturellement, combien de temps encore une partie croissante du public continuera d'accepter de payer (parfois cher) sa place au théâtre ou à l'opéra, pour renoncer finalement à assister au spectacle jusqu'au bout... Faudra-t-il en venir à des procès contre les Théâtres et les Opéras, pour escroquerie? Car enfin, c'est bien de cela dont il s'agit, lorsqu'une œuvre est annoncée et qu'une tout autre est présentée...
Castorf... (Suite) Enfin un metteur en scène qui ose dire le fond de sa pensée !!!
Dans l'article (en allemand) dont le lien figure ci-dessous, Franck Castorf nous dit le fond de sa pensée : outre l'exposé de son parti-pris scénique pour le Ring 2013, il avoue regretter d'avoir signé un contrat avec l'administration du Festival de Bayreuth qui lui interdit de changer quoi que ce soit à la musique et au texte de Richard Wagner... Depuis le temps que l'on vous dit qu'il serait logique, lorsqu'on se refuse à respecter les indications scéniques que Wagner a notées dans sa partition, de ne plus respecter non plus sa musique et ses livrets...
On l'entend dire si régulièrement que c'en est devenu une sorte de truisme. Il s'agit naturellement d'une rumeur dans la plupart des cas, qu'on se plaît à répéter, comme un propos convenu, pour donner le sentiment à ses interlocuteurs d'être bien informé et "politiquement correct"... On n'aura pas pris la peine, avant de colporter le bruit, de relire les textes de Wagner, ni l'ouvrage d'Eric Eugène, préfacé par Serge Klarsfeld, Wagner et Gobineau (Le Cherche midi éditeur, 1998), ni tous les témoignages qui démontrent que Wagner, comme antisémite, était plutôt du genre curieux... Qu'il nous soit donc ici permis de rapporter un incident datant de juin/juillet 1881 qui en dit long sur le prétendu antisémitisme de Richard Wagner... A cette époque déjà, Wagner a décidé de confier la direction musicale de Parsifal à Hermann Levi. Le 29 juin 1881, donc, il reçoit une lettre anonyme, l'enjoignant de conserver la "pureté de son œuvre" et de ne pas se compromettre avec un chef d'orchestre juif. Ne sachant quel parti prendre, Hermann Levi, informé par Wagner de l'existence de cette lettre, décide alors de s'éloigner. Il quitte Bayreuth et prend le train pour se réfugier à Bamberg. Deux jours plus tard, ce grand méchant antisémite de Wagner adressa au fils de rabbin Hermann Lévi le télégramme que voici : "Pour l'amour de Dieu, faites immédiatement demi-tour et apprenez à nous connaître vraiment ! Ne perdez rien de votre foi et prenez courage ! Peut-être est-ce là un grand tournant dans votre vie, mais, en tout cas, c'est vous qui dirigerez Parsifal". Tout cela pourrait prêter à sourire, donc, si à l'approche du Bicentenaire de la naissance de Richard Wagner une certaine forme de polémique autour de l'antisémitisme du compositeur et poète ne tendait à être relancée avec le but plus ou moins affichée de transférer l'antisémitisme supposé de Wagner-écrivain (qui ne fut ni ne prétendit jamais être un "théoricien", précisons-le) dans ses œuvres dramatiques. Preuve en est le récent Wagner contre les Juifs Pierre-André Taguieff.... Bref, on se demande à quelle entreprise de démolition plus ou moins larvée et sournoise on est ici en train d'assister... Car à l'évidence la mise en avant le prétendu antisémitisme de Wagner, quasiment présenté comme proto-théorie de l'antisémitisme nazi, n'est évidemment ni gratuit ni innocent. Rappelons par conséquent ce qu'Éric Eugène écrivait en 1998, dans Historia (n° 624) : «A l'examen des écrits de 1880/1881, il convient donc dans le cas de Wagner de parler d'antijudaïsme plutôt que d'antisémitisme puisque l'élément biologique et raciste en est absent. Pour Wagner, on peut cesser d'être juif par une conversion. Il n'y a donc pas de fatalisme biologique pour qui que ce soit.»
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LE RING à Paris |
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Dans son ouvrage La Malscène, Philippe Beaussant observe avec beaucoup de pertinence: «Ce qui dans cette affaire ne cesse de m'étonner, c'est la monotonie». Il y a des années durant lesquelles les scènes lyriques se couvrent d'échelles, d'autres années où ce sont des caravanes (crasseuses de préférence), des années "plages de sable", et tutti quanti... Il est vrai qu'il y a aussi des sortes de constantes, spécialement lorsqu'il s'agit de mettre en scène L'Anneau du Nibelung : Wotan est un (sale) bourgeois; les Filles du Rhin, des filles de joie ; Albérich, un politicien brutal et sans scrupules; Mime un Juif persécuté par un Siegfried nazifiant, etc, etc, etc... La monotonie, disions-nous, avec Philippe Beaussant... Paris se devait de ne pas déroger à la règle, bien évidemment. Inutile de s'y attarder. C'est du déjà-vu, du rabâché, de l'ennui à revendre. Non, ce qui est assez comique, en l'occurrence, c'est la subite lassitude dont les critiques semblent avoir été saisis. Comme si, se réveillant d'un long sommeil, ils s'avisaient tout à coup que l'affaire tournait en rond (et à vide), se secouaient et se mettaient tous en chœur (à quelques exceptions près) à crier : Yen a marre ! A force de servir le même plat, même les restaurants réputés les meilleurs finissent par perdre leurs étoiles... Ce qui donne sur Webthea.com : « Cette manie des actualisations politico-sociales est devenue un tic irrépressible – particulièrement chez les metteurs en scène/régisseurs d’outre Rhin - où le n’importe quoi est devenu la signature de la nouveauté. Qu’importe le sens de ce qui est montré, du moment que c’est tout neuf et bien musclé ! » Dans Le Monde : «Osons la critique la plus lapidaire qui soit de la mise en scène de la nouvelle Walkyrie montée à l'Opéra de Paris par Günter Krämer : en un mot, c'est : "NEIN !" C'est d'ailleurs ce qu'a signifié le public en huant à plein volume l'équipe de production de cette première des trois "journées" qui constituent, avec leur prologue, L'Or du Rhin (Le Monde du 9 mars), la Tétralogie, festival scénique imaginé par Richard Wagner.» Et dans Le Figaro : «Déjà terne et datée dans L'Or du Rhin, la mise en scène de Günter Krämer ne s'arrange pas. Elle continue dans l'optique des lectures politiques, avec ce clan de Hunding en milice paramilitaire vêtue de treillis et cette mythologie réduite à un tableau que l'on déchire. C'était moderne dans les années 1970, on est passé depuis à autre chose, avec l'épure abstraite de Bob Wilson ou la science-fiction high-tech de La Fura dels Baus. Plus grave : ce travail dramaturgique correct repose sur une direction d'acteurs inexistante, qui réduit ces personnages si humains à des silhouettes sans vie...» Dans Les Échos : «Face aux quatre heures de musique de la « Walkyrie », à ses trois longs actes essentiellement construits autour de duos, à un drame concentré sur quatre rôles principaux, le metteur en scène allemand manque de souffle. Sa crainte manifeste de ne pas pouvoir occuper le large plateau de l'Opéra Bastille le contraint à convoquer des figurants là où le récit appelle au contraire l'intimité. Pourquoi, en effet, encombrer la scène de militaires (et de leurs inévitables treillis et rangers) au tout début de l'opéra quand Siegmund trouve refuge chez Sieglinde ?» Il est vrai que le critique, sans doute dans le soucis de ne pas donner l'impression de donner trop ouvertement dans la "réaction", se reprend aussitôt : «Cette négligence nous semble bien plus coupable que la transposition (osera-t-on écrire « cavalière ») de la célèbre « Chevauchée des Walkyries » dans une morgue. Au lieu de fièrement guider leurs fougueux destriers sur un piton rocheux, ces vierges guerrières, habillées en infirmières, ressuscitent des soldats nus et ensanglantés qu'elles ont au préalable nettoyés. C'est vraisemblablement ce moment, plus que l'ensemble d'un spectacle riche de quelques belles images, qui a valu au metteur en scène et à son équipe d'être vertement hués le soir de la première.» Surtout : montrer que l'on n'est pas rétif aux images... "chics et chocs". Naturellement. Le côté amusant de l'article, c'est qu'on se demande bien où et quand ce critique a bien pu voir des Walkyries guidant «leurs fougueux destriers sur un piton rocheux». Comme s'il s'agissait du spectacle que l'on pouvait voir, d'ordinaire, sur la scène des Opéras d'Europe ! Merci de bien vouloir nous indiquer où on peut encore voir ça !... Ces dernières années, pour voir le Ring DE Richard Wagner, il fallait se déplacer aux États-Unis : à New-York ou, peut-être mieux encore, à Seattle ! Cela dit, la conclusion assez généralement émise par la plupart des critiques est la suivante : Fermez les yeux, ouvrez vos oreilles. Certes ! Mais bon. Dans ces conditions, à quoi bon se déplacer, aller à l'Opéra de Paris, plutôt que de rester chez soi et d'écouter la retransmission radiophonique ? Allez au Théâtre et fermer les yeux? Absurde ! Mais l'absurdité de la situation n'a pas l'air, il est vrai, de troubler grand monde... Là comme ailleurs, la «société de consommation» a encore de beaux jours devant elle ! Parce que tout ne se résume-t-il pas à cela? On consomme de l'opéra, comme on fait des expositions, comme on lit le dernier best-seller sur la plage, en oubliant ce qu'on a lu sitôt la dernière page tournée, ou comme on fait tel ou tel pays pendant ses vacances... C'est le moteur de l'exigence de la nouveauté constante. Le critique du Figaro le dit explicitement : «on est passé depuis à autre chose». Ce qui veut dire : on attend désormais une autre sorte de nouveauté. Comme si l'art, comme si l'émotion artistique exigeait sans cesse, désormais, pour être agréablement consommée, de prendre la forme du scoop. Je m'étonne du reste qu'aucun metteur en scène du Ring n'ait encore eu l'idée de situer toute la Tétralogie de Richard Wagner dans une grande surface commerciale. Ce serait aller au bout de la logique consommatrice après tout, non ? Les Filles du Rhin au rayon Poisson ; le Walhalla au rayon Jeux et Jouets ; Albérich en DRH ; Wotan en Directeur ; les Nibelungen en employés chargés d'alimenter les rayons, les Walkyries en caissières (imaginez le rythme sur lequel elle passeraient les barquettes de viande devant le lecteur optique!!), Erda en grand-mère paysanne de Wotan, Siegmund et Sieglinde en ados révoltés, Siegfried en loubard de banlieue, Brünnhilde de Pasionaria de la cause écolo-biologique, etc... Avec, à la fin du Crépuscule des dieux, les consommateurs qui, à la manière du "peuple" à la fin du Ring de Chéreau, se tourneraient vers les spectateurs, sur fond d'incendie de la dite grande surface. (Je réclame des royalties, si un metteur en scène me pique l'idée). Après tout, M. Günther Krämer situe bien La Chevauchée de Walkyrie dans une morgue... Alors, n'est-ce pas, plus on est de fous, plus on s'amuse... Mais au fond... La vraie nouveauté, est-ce que ce ne serait pas d'en revenir au strict respect des indications scéniques notées par Richard Wagner dans ses partitions, avec les moyens technologiques qui nous sont offerts aujourd'hui ? J'entends dire ici et là qu'il n'est pas possible d'en revenir à cela. Ah bon? Et pourquoi pas? Je veux dire : à moins d'essayer, qu'en sait-on? Je me souviens d'avoir assisté, il y a des années, à Berlin, à La Flute enchantée dans les décors originaux reconstruits de Schikaneder. Eh bien ! C'était tout à fait convaincant et le public était enthousiaste. La production new-yorkaise du Ring réalisée par Otto Schenk a tenu l'affiche pendant 20 ans, sans que son succès ne se démente, malgré les moqueries de la critique, principalement européenne, il est vrai. Quant au prodigieux "green Ring" de Seattle, son succès auprès de la critique américaine et du public fut tel, en 2009, que la production sera reprise en 2013. Et il existe bien d'autres solutions, sur un plan esthétique. Mais bon... Philippe Hemsen |