SIEGFRIED
SIEGFRIED –
MANFRED JUNG |
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GOTTERDAMMERUNG
SIEGFRIED –
MANFRED JUNG |
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Vingt-six ans, cette année (2012). Vingt-neuf ans que cette production du Ring fut présentée pour la première fois sur la scène du Festspielhaus de Bayreuth, pour y rester au programme jusqu'en août 1986. Depuis lors, on a pu assister à Bayreuth au Ring marxiste de Harry Kupfer ; au Ring kitchissime d'Alfred Kirchner ; au Ring politiquement essoufflé de Jürgen Flimm ; au Ring "conceptuel" de Trankred Dorst (toujours à l'affiche) -- mais au Ring de Richard Wagner, que nenni ! Depuis lors aussi furent répétés à satiété les mêmes poncifs, comme à propos du Ring de Chéreau/Boulez - mais en sens inverse ! Le Ring mis en scène par Sir Peter Hall et dirigé (en 1983) par Sir Georg Solti aurait été un échec. En quoi? Personne ne nous le dit. La grande différence avec le Ring du Centenaire, c'est que cette production-ci n'a bénéficié d'aucun enregistrement - à l'exception d'un enregistrement audio pirate - et que dans ces conditions, il reste comme seule ressource, à tous ceux qui n'ont pas eu la chance d'assister à ce Ring, de croire ce qu'il leur en est dit. L'enregistrement audio pirate de ce Ring devrait pourtant amener quiconque ne croit pas aveuglément en ce qui est colporté par la "critique officielle" à émettre au moins des doutes sur "l'échec" qu'aurait aussi constitué ce Ring pour Georg Solti, puisqu'il semblerait que la mise en scène de Peter Hall ne fut pas seule en cause. En effet, à écouter le précieux témoignage qui nous a été légué par le dit enregistrement pirate, on ne peut être que frappé par l'extraordinaire puissance dramatique de la direction orchestrale. * * * * Après la production de l'Anneau du Nibelung du Centenaire du Festival de Bayreuth, encensée au-delà de toute mesure, réalisée par Patrice Chéreau et Pierre Boulez, présentée de 1976 à 1980, "oser" réaliser une nouvelle production du Ring nécessitait sans doute une bonne dose de courage... On attendait la nouvelle équipe au tournant, disposé à ne rien lui pardonner. Surtout pas des "provocations", du type de celles auxquelles se livra bientôt Sir Georg Solti, lorsque, annonçant que le choix du metteur en scène s'était porté sur la personne de Sir Peter Hall, il déclara vouloir assister une fois dans sa vie au Ring de Richard Wagner, romantique et naturaliste, et non pas à un Ring marxiste... Dès lors, la cause était entendue, et l'on allait se livrer à un joyeux jeu de massacre avec cette production, qui prenait d'emblée le contre-pied de celle de l'équipe précédente... même s'il fallait s'en défendre. Ainsi, Jacques Doucelin, dans le Figaro, n'allait-il pas jusqu'à déclarer que, ma foi, «Un Ring anti-Chéreau était parfaitement concevable.» (Ouf ! Nous voilà rassurés !).
Le
mot d'ordre était donc de faire preuve de sa bonne foi, après avoir pris
soin, néanmoins, de brosser un portrait haineux des «revanchards»(sic!).
Ce qui donne, dans Le Monde : Il s'agit naturellement d'un pur fantasme du critique... Là encore, il suffit d'écouter l'enregistrement pirate de L'Or du Rhin, pour se rendre compte qu'il ne fut poussé nul «cri de revanche refoulé» à l'époque dans l'enceinte du Festspielhaus.
Là s'arrêtaient
toutefois les «amabilités»... Deux jours plus tard, après la
Première de Siegfried, la charge était sonnée ! Ce qui donne, dans Le
Monde :
Enfin,
avec Le crépuscule des dieux, l'hallali était consommé : Lisez ce qui a été dit de cette production dans n'importe quel ouvrage publié depuis lors, où il est question des mises en scène du Ring à Bayreuth, vous constaterez par vous-mêmes que le son de cloche est en somme demeuré intangible... Mais ce qui était le plus fascinant, sans doute, à l'époque, pour qui assistait à ce Ring, à Bayreuth, c'était le constant décalage entre la réalité de ce qui avait lieu sur place et le compte-rendu qui en était fait dans la presse. Parce que, naturellement, les légendes ne sont pas tant le fait de celles et ceux qui ont assisté à un événement que le fait de celles et ceux qui ont écrit sur l'événement. Infiniment plus nombreux sont ceux qui lisent les journaux, écoutent la radio ou regardent la télévision que ceux qui peuvent dire : "j'y étais et ça ne s'est pas passé comme ça..." Car évidemment, pour qui a eu la chance d'assister à cette production, entre 1983 et 1986, le souvenir qui lui en est resté diffère de ce qui en a été dit et répété depuis lors. En témoigne, là encore, l'enregistrement audio, qui laisse entendre, à la fin de chaque acte, un tonnerre d'applaudissements, y compris et surtout, à la fin du IIIème acte du Crépuscule des dieux, lorsque Sir Peter Hall, flaqué du décorateur William Dudley, sont venus saluer le public. Nulle part, non plus, il n'est fait mention des 128 rappels et les 77 minutes d'ovation (je peux en témoigner, personnellement, ayant été sur place, à l'époque) qui ont salué la dernière représentation du Crépuscule des dieux, en 1986... Comment, en effet, pourrait-on expliquer qu'une production prétendument médiocre, dépourvue de toute beauté, qui constituait un échec cuisant pour son metteur en scène... fut à ce point ovationnée ? La contradiction entre la réalité des faits et le compte-rendu qui en a été fait dans la presse est si énorme, qu'il est impossible de mentionner ce type de manifestation. On s'est tu, par conséquent... et la légende a ainsi pu se créer et perdurer.
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