"Je comprend que beaucoup de gens dans cet auditoire ne voient pas le concept. Je perçois le Ring comme une moralité en forme d'opéra à propos du bien et du mal, c'est fortement philosophique, fortement politique, et seulement après, c'est un mythe. J'ai essayé de mettre le mythe en scène." Sir Peter Hall lors de la conférence de presse en 1983

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DISTRIBUTION

DIRECTION ORCHESTRALE :
SIR GEORG SOLTI

MISE EN SCENE :
SIR PETER HALL

DÉCORS :
WILLIAM DUDLEY

 

DAS RHEINGOLD
BAYREUTH 25 JUILLET 1983

WOTAN – SIEGMUND NIMSGERN
DONNER – HANS-JURGEN DREWITZ
FROH –
MALDWYN DAVIES
LOGE –
MANFRED JUNG
MIME –
PETER HAAGE
ALBERICH –
HERMANN BECHT
FASOLT –
DIETER SCHWEIKHARDT
FAFNER –
MANFRED SCHENK
FRICKA –
DORIS SOFFEL
FREIA –
ANITA SOLDH
ERDA –
ANNE GYEVANG
WOGLINDE –
AGNES-ADELE HABEREDER
WELLGUNDE-
DIANA MONTAGUE
FLOSSHILDE –
BRIGITTA SVENDEN

DIE WALKURE
BAYREUTH 26 JUILLET 1983

BRUNNHILDE – HILDEGARD BEHRENS
WOTAN –
SIEGMUND NIMSGERN
SIEGLINDE –
JEANNINE ALTMEYER
SIEGMUND –
SIEGFRIED JERUSALEM
HUNDING –
MATTHIAS HOLLE
FRICKA –
DORIS SOFFEL
GERHILDE –
ANITA SOLDH
ORTLINDE –
ANNE EVANS
WALTRAUTE –
INGRID KARASCH
SCHWERTLEITE –
ANNE WILKENS
HELMWIGE –
AGNES-ADELE HABEREDER
SIEGRUNE –
DIANA MONTAGUE
GRIMGERDE –
RUTH ENGERT-ELY
ROSSWEISSE –
ANNE GYEVANG

SIEGFRIED
BAYREUTH 28 JUILLET 1983

SIEGFRIED – MANFRED JUNG
BRUNNHILDE –
HILDEGARD BEHRENS
WANDERER –
BENGT NORUP
ALBERICH –
HERMANN BECHT
MIME –
MANFRED SCHENK
FAFNER –
DIETER SCHWEIKHARDT
ERDA –
ANNE GJEVANG
WALDVOEL –
SYLVIA GREENBERG

 

GOTTERDAMMERUNG
BAYREUTH 30 JUILLET 1983

SIEGFRIED – MANFRED JUNG
BRUNNHILDE –
HILDEGARD BEHRENS
HAGEN –
AAGE HAUGLAND
GUNTHER –
BENGT NORUP
ALBERICH –
HERMANN BECHT
WALTRAUTE –
BRIGITTE FASSBANDER
GUTRUNE –
JOSEPHINE BARSTOW
1.. NORN – ANNE EVANS
WOGLINDE –
AGNES ABELE-HABEREDER
WELLG NORN –
ANNE GYEVANG
2. NORN –
ANNE WILKENS
3UNDE –
DIANA MONTAGUE
FLOSSHILDE –
BRIGITTA SVENDEN

 

Vingt-six ans, cette année (2012). Vingt-neuf ans que cette production du Ring fut présentée pour la première fois sur la scène du Festspielhaus de Bayreuth, pour y rester au programme jusqu'en août 1986.

Depuis lors, on a pu assister à Bayreuth au Ring marxiste de Harry Kupfer ; au Ring kitchissime d'Alfred Kirchner ; au Ring politiquement essoufflé de Jürgen Flimm ; au Ring "conceptuel" de Trankred Dorst (toujours à l'affiche) -- mais au Ring de Richard Wagner, que nenni !

Depuis lors aussi furent répétés à satiété les mêmes poncifs, comme à propos du Ring de Chéreau/Boulez - mais en sens inverse !

Le Ring mis en scène par Sir Peter Hall et dirigé (en 1983) par Sir Georg Solti aurait été un échec. En quoi? Personne ne nous le dit. 

La grande différence avec le Ring du Centenaire, c'est que cette production-ci n'a bénéficié d'aucun enregistrement - à l'exception d'un enregistrement audio pirate - et que dans ces conditions, il reste comme seule ressource, à tous ceux qui n'ont pas eu la chance d'assister à ce Ring,  de croire ce qu'il leur en est dit.

L'enregistrement audio pirate de ce Ring devrait pourtant amener quiconque ne croit pas aveuglément en ce qui est colporté par la "critique officielle" à émettre au moins des doutes sur "l'échec" qu'aurait aussi constitué ce Ring pour Georg Solti, puisqu'il semblerait que la mise en scène de Peter Hall ne fut pas seule en cause.  En effet, à écouter le précieux témoignage qui nous a été légué par le dit enregistrement pirate, on ne peut être que frappé par l'extraordinaire puissance dramatique de la direction orchestrale.

*   *   *   *

Après la production de l'Anneau du Nibelung du Centenaire du Festival de Bayreuth, encensée au-delà de toute mesure, réalisée par Patrice Chéreau et Pierre Boulez, présentée de 1976 à 1980, "oser" réaliser une nouvelle production du Ring nécessitait sans doute une bonne dose de courage... 

On attendait la nouvelle équipe au tournant, disposé à ne rien lui pardonner. Surtout pas des "provocations", du type de celles auxquelles se livra bientôt Sir Georg Solti, lorsque, annonçant que le choix du metteur en scène s'était porté sur la personne de Sir Peter Hall, il déclara vouloir assister une fois dans sa vie au Ring de Richard Wagner, romantique et naturaliste, et non pas à un Ring marxiste...

Dès lors, la cause était entendue, et l'on allait se livrer à un joyeux jeu de massacre avec cette production, qui prenait d'emblée le contre-pied de celle de l'équipe précédente... même s'il fallait s'en défendre.

Ainsi, Jacques Doucelin, dans le Figaro, n'allait-il pas jusqu'à déclarer que, ma foi, «Un Ring anti-Chéreau était parfaitement concevable.»  (Ouf ! Nous voilà rassurés !).

Le mot d'ordre était donc de faire preuve de sa bonne foi, après avoir pris soin, néanmoins, de brosser un portrait haineux des «revanchards»(sic!). Ce qui donne, dans Le Monde :
    «Ils l'attendaient depuis sept ans, ce moment! A peine la dernière note de l'Or du Rhin se fut-elle éteinte lundi soir qu'un rugissement partit de la salle, poussé par de nombreux messieurs en smoking blanc décoré d'un anneau d'or : enfin, Wagner était vengé, lavé du sacrilège que constituait Le Ring par Boulez et Chéreau».
    - et dans Le Figaro :
    «Un cri de revanche refoulé fit trembler le Festspielhaus lorsque le rideau gris perle retomba sur ce premier Or du Rhin dirigé par Solti dans la mise en scène de Peter Hall. Quelque chose comme un "Ouf !" de soulagement, énorme, naïf. On allait pouvoir déguster ses saucisses en paix et savourer sa pinte de bière sans mauvaise conscience. Finis le cauchemar français et le sacrilège Boulez-Chéreau.»

Il s'agit naturellement d'un pur fantasme du critique... Là encore, il suffit d'écouter l'enregistrement pirate de L'Or du Rhin, pour se rendre compte qu'il ne fut poussé nul «cri de revanche refoulé» à l'époque dans l'enceinte du Festspielhaus.

Là s'arrêtaient toutefois les «amabilités»... Deux jours plus tard, après la Première de Siegfried, la charge était sonnée ! Ce qui donne, dans Le Monde :
    «Quant à la mise en scène, elle est absolument nulle. Peter Hall n'a pas trouvé un seul geste de tendresse, de pureté, d'élan. (...) Ah! si Chéreau se trouvait encore là pour prendre par le bras Hildegard Behrens (la chanteuse interprétant Brunhilde).»

Enfin, avec Le crépuscule des dieux, l'hallali était consommé :
    «Chez Peter Hall, c'est la pauvreté du jeu et l'incohérence des images qui sont en cause, dans une conception qui se prétend étroitement soumise aux indication de Wagner, alors que souvent elle n'en tient aucun compte. (...) Ces compromis hybrides entre un réalisme poussiéreux et une abstraction sans transfiguration ne viennent pas à la cheville des éblouissantes prouesses de Chéreau.»

Lisez ce qui a été dit de cette production dans n'importe quel ouvrage publié depuis lors, où il est question des mises en scène du Ring à Bayreuth, vous constaterez par vous-mêmes que le son de cloche est en somme demeuré intangible...

Mais ce qui était le plus fascinant, sans doute, à l'époque, pour qui assistait à ce Ring, à Bayreuth, c'était le constant décalage entre la réalité de ce qui avait lieu sur place et le compte-rendu qui en était fait dans la presse.

Parce que, naturellement, les légendes ne sont pas tant le fait de celles et ceux qui ont assisté à un événement que le fait de celles et ceux qui ont écrit sur l'événement. Infiniment plus nombreux sont ceux qui lisent les journaux, écoutent la radio ou regardent la télévision que ceux qui peuvent dire : "j'y étais et ça ne s'est pas passé comme ça..."

Car évidemment, pour qui a eu la chance d'assister à cette production, entre 1983 et 1986, le souvenir qui lui en est resté diffère de ce qui en a été dit et répété depuis lors. En témoigne, là encore, l'enregistrement audio, qui laisse entendre, à la fin de chaque acte, un tonnerre d'applaudissements, y compris et surtout, à la fin du IIIème acte du Crépuscule des dieux, lorsque Sir Peter Hall, flaqué du décorateur William Dudley, sont venus saluer le public.

Nulle part, non plus, il n'est fait mention des 128 rappels et les 77 minutes d'ovation (je peux en témoigner, personnellement, ayant été sur place, à l'époque) qui ont salué la dernière représentation du Crépuscule des dieux, en 1986...

Comment, en effet, pourrait-on expliquer qu'une production prétendument médiocre, dépourvue de toute beauté, qui constituait un échec cuisant pour son metteur en scène... fut à ce point ovationnée ?

La contradiction entre la réalité des faits et le compte-rendu qui en a été fait dans la presse est si énorme, qu'il est impossible de mentionner ce type de manifestation.

On s'est tu, par conséquent... et la légende a ainsi pu se créer et perdurer.

 

  Précisions sur une conception - par Sir Peter Hall  

Album photos
  Préparation de la production  

Les principaux changements (1983-1984)

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