Plan de la Villa Wahnfried |
Bayreuth, le 5 avril 1945 |
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Durant les dernières semaines de la guerre, les 5 et 11 avril 1945, l'aviation britannique bombardent intensément Bayreuth. Plus d'une centaine d'avions participent à l'opération et dévervent des milliers de bombes incendiaires sur la ville, qui est détruite à 40%, tandis que la villa Wahnfried est partiellement détruite : la salle de séjour avec sa rotonde ainsi que la chambre d'amis située sur le côté sont anéanties. Tableaux, livres et meubles avaient été toutefois mis en sécurité au préalable. Par la suite, la région est occupée par les troupes américaines, qui réquisionnent le Festspielhaus pour y produire des jazz bands et y organiser des bals masqués ainsi que des représentations théâtrales. Quant à la maison de Siegfried (édifiée sur le côté de la villa Wahnfried, à laquelle un long couloir la relie), elle sert de mess aux officiers. |
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Winifred s'est à cette époque réfugiée au nord de Bayreuth, dans les Fichtelgebirge, avec son second fils, Wolfgang et la première épouse de celui-ci, Ellen Drexel; tandis que Wieland est sa femme se sont installés sur les rives du lac de Constance. Le 1er janvier 1946, les Américains cèdent le Festspielhaus à la ville de Bayreuth et quelques mois plus tard, la famille Wagner est officiellement expropriée; tandis que Winifred est traduite devant la "chambre de dénazification". Elle se voit interdire de reprendre la direction du festival. Ses deux fils, Wieland et Wolfgang Wagner décident alors de passer un accord avec elle, aux termes il leur est accordé de lui succéder à la tête du festival. En 1947, le fils d'Isolde Wagner, Franz Beidler, songera à créer une nouvelle Fondation Wagner, qui prendrait en charge le Théâtre et écrit à Thomas Mann afin de lui en proposer la présidence d'honneur (Voir l'extrait du Journal du Dr Faustus). Mais l'écrivain refuse, estimant l'idée chimérique. |
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Plan de la Villa WAHNFRIED,
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La Villa WAHNFRIED, après
sa reconstruction, Wieland Wagner fit simplement réparer les murs échappés au désastre, d'autres furent édifiés, formant un angle intérieur, crépi de blanc, dans l'espace duquel se développa une sorte de "jardin enchanté", en lieu et place de l'ancienne salle de séjour... |
En 1948, la décision d'expropriation est levée, sur le Festspielhaus, et la famille Wagner rentre à Bayreuth. Wieland, son épouse, Gertrude Reissinger, et leur quatre enfants, Iris (née en 1942), Wolf-Siegfried (né en 1943), Nike (née en 1945) et Daphne (née en 1946) emménagent alors dans la villa Wahnfried très sommairement reconstruite; tandis que Winifred rentrait chez elle, dans la Siegfried-Haus. |
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En 1966, avec la mort de Wieland Wagner, la villa Wahnfried perdit sa vocation de maison d'habitation : Winifred demeurait dans la Siegfried-Haus et Wolfgang Wagner s'était installé dans une maison bâtie aux abords du Festpielhaus. En outre, la célébration du Centenaire du festival de Bayreuth approchait à grand pas. Outre la charge financière importante qu'une telle demeure - sans "utilité" - constituait pour la famille Wagner, c'est sans doute ce qui a conduit Wolfgang à entamer, avec l'accord de sa mère, des démarches afin de léguer à la ville de Bayreuth la villa Wahnfried, de manière à réunir la condition préalable à la création - enfin ! - d'un musée Wagner. Et c'est ainsi qu'en 1973, la ville de Bayreuth acquis non seulement Whanfried, mais aussi le jardin et la Maison de Siegfried - où il fut entendu que Winifred pourrait demeurer jusqu'à sa mort. Trois objectifs principaux furent dès lors posés : - la réparation des dommages causés par la guerre, les intempéries et les années, - la reconstitution aussi fidèle que possible des deux grandes pièces de réceptions : le hall (endommagé) et la salle de séjour (disparue) - l'aménagement de l'ensemble en musée. Les travaux de reconstruction et de restauration eurent lieu sous la direction de l'architecte Jahn; et il fut confié à Helmut Jahn ainsi qu'à Anne-Monika et Lothar Linder la lourde tâche d'effectuer toutes les recherches nécessaires concernant les plans originaux, mais aussi tout ce qui avait trait à la décoration intérieure. On fit aussi appel aux souvenirs de Winifred mais aussi de Wolfgang... La réalisation de l'ensemble prit juste trois années; de sorte que l'inauguration officielle du Musée Richard Wagner de Bayreuth put se dérouler comme prévu, le 24 juillet 1976. * * * Sans doute, le résultat est clinquant - et spectaculaire. Extérieurement, Wahnfried a retrouvé son aspect d'origine. Intérieurement, le grand hall ainsi que la salle de séjour ont été restaurés dans les proportions et les couleurs qu'ils avaient à l'époque de Richard Wagner... Les différentes pièces de la maison offrent une collection extraordinairement riche de souvenirs et de documents divers... Alors, pourquoi le lieu nous laisse-t-il à ce point sur notre faim - jusqu'au malaise? Il est, de par le monde, d'autres musées Wagner, notamment en Suisse, non loin de Lucerne, à Tribschen, au bord du lac des Quatre Cantons, où Wagner résida du 15 avril 1866 au 22 avril 1872 (date à laquelle il partit pour Bayreuth), - un petit musée, sans prétention, élégamment aménagé, où le sentiment est tout autre qu'à Bayreuth. Sans doute parce qu'à Tribschen, rien n'a vraiment changé depuis l'époque où Wagner vivait et composait dans les lieux. On y retrouve - vague, certes, comme l'âme d'un parfum surpris un bref instant aux abords d'un très vieux flacon - le souvenir vivant de Richard Wagner. Et il y aurait peu à faire, à Tribschen, pour qu'il y retrouve ses marques, tant une certaine forme d'authenticité, de respect du passé a su y être préservée avec modestie. Tandis qu'à Bayreuth... Le cinéaste Hans-Jürgen Syberberg, dans son essai intitulé La Société sans Joie, note, sous le titre "L'assassinat final de R.W." : «Même les pauvres chambres mortuaires de R.W. à Venise, transformées à présent en bureaux, mais avec les vieilles tapisseries, sont plus dignes et plus proches de R.W. que la reconstruction à coups de millions de Wahnfried après sa destruction par les bombardements et par Wieland Wagner, et plus encore après que Wolfgang Wagner a fait tous ses efforts pour le reconstruire dans un ordre nouveau et doucereux, dernier meurtre perpétré contre son aïeul, par un manque de sensibilité pour la personne et pour l'époque, pour l'amateur d'étoffes, de parfums, de surfaces - et de musique. Qu'on compare à cela les aimables Charmettes en France, l'ancienne maison et le jardin où vécut Rousseau. Une présence toute simple, sans luxe inutile, pleine de recoins anciens et dont on s'occupe avec un soin tranquille. Lieu où l'on peut imaginer que celui-là ait vécu. Jamais le Wagner que nous connaissons n'aurait séjourné ne fût-ce qu'une heure dans le Wahnfried actuel. Il est mort à temps, tout comme Visconti et sa science des étoffes et des couleurs et des gestes et du deuil.» Bien sûr Bayreuth demeure Bayreuth... et puisque la seule évocation du nom de la ville où vécut Richard Wagner et où se trouve édifié son Théâtre suffit en règle général à plonger tout wagnérien qui se respecte dans la rêverie, Wahnfried demeure Wahnfried - un lieu où l'on s'efforcera consciencieusement, lorsqu'on s'y rendra, d'invoquer l'esprit du Maître des Lieux. Pourtant, les vitrines demeurent glacées, la salle de séjour de Wahnfried y apparaît comme une somptueuse coquille vide - et le kitsch, dont on se moque volontiers dans certaine pièce du musée, est en fait ici partout. Mais en ce sens, le musée installé dans la villa Wahnfried renvoie sans doute une image fidèle de ce qu'est devenu Bayreuth : une vitrine sans âme, dans laquelle l'art, aussi excentriques que soient les manipulations dont il est l'objet - apparaît comme une évocation impuissante du souvenir, une évocation aussi vaine que dépourvue de vie.
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